HISTOIRE DE LA DÉFICIENCE VISUELLE 



La déficience visuelle, sa définition et sa prise en charge rééducative sont  apparues en France au siècle dernier, autour des années 1990. Auparavant, excepté pour les enfants, seule la cécité était prise en compte comme situation définitive et intangible pour les personnes atteintes.


Les premiers dossiers médicaux connus, issus de l'ancienne Mésopotamie, montrent que, même il y a 5.000 ans, des soins médicaux pour les yeux furent une spécialité à part entière. Dans un papyrus découvert à Thèbes, l'ancienne capitale de l'Egypte, les noms de 20 maladies de l'œil sont cités. L'historien grec Hérodote, qui visita l'Egypte au Ve siècle avant J.-C., écrit avoir rencontré des médecins spécialisés en ophtalmologie, en raison dela forte incidence des maladies cécitantes.


Il semble probable que dans les sociétés très primitives, des enfants nés aveugles ont été mis à mort. La cécité considérée comme une punition divine a, durant des siècles, perduré. Hormis quelques cas très rares, comme celui du poète Homère, pour qui elle fut présentée comme une compensation à son génie, la plupart des gens aveugles n'avaient, alors, comme seul espoir de survie que la mendicité. 


Le handicap visuel, la cécité ont longtemps inspiré des sentiments et des attitudes complexes. Comme nous le rappelle Alain Corbin, dans la préface de l'ouvrage de Zina Weygand « Vivre sans voir », après avoir célébré dans l'antiquité la richesse de la vision intérieure, au moyen âge la non voyance symbolise l'aveuglement de l'esprit, l'obscurcissement de l'intelligence, mais elle sollicite aussi dans le même temps, la compassion et appelle la charité.


Une nouvelle ère pour les aveugles, l'ère de l'asile, apparut lentement. Un des premiers hospices spéciaux, établi pour le soin des aveugles, a été fondé au IVe siècle après JC, à Césarée de Cappadoce en Turquie. Au VIIe siècle, Saint-Bertrand, évêque du Mans, fonda à Pontlieue, la première institution de ce type connue en France. On attribue même à Guillaume le Conquérant, le roi normand envahisseur de l'Angleterre en 1066, la création de plusieurs hospices, en expiation de ses péchés mondains.


Deux siècles plus tard, la tragédie des croisés « aveuglés » par leurs ravisseurs dans l'attente d'une rançon, inspira au roi Louis XI de prendre sous sa protection, en 1260, un institut pour le soin des aveugles à Paris, l'Hospice des Quinze-Vingts, dans lequel les pensionnaires aveugles bénéficiaient du pouvoir de quêter librement. Berceau de l'ophtalmologie française, ce lieu historique existe toujours à ce jour (Quinze-Vingts).


En 1749, Diderot publie la « Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient». En 1785, un lecteur de Diderot, Valentin HAÜY, fonde, avec l'aide de la société philanthropique, l'institution des enfants aveugles, première école au monde qui se donne pour but de dispenser gratuitement aux aveugles un enseignement collectif fondé sur le principe de la suppléance sensorielle. En 1791, l'assemblée constituante nationalise cette école, le principe de la responsabilité de l'état dans la prise en charge des infirmes sensoriels est posé ! Le 10 thermidor an III (29 juillet 1795) l'établissement prend le titre d'Institut national des aveugles-travailleurs. Par la suite aucun gouvernement ne reviendra sur ce principe.


De nos jours la prise en charge sociale du handicap visuel est présente dans nos institutions. Elle est efficace grâce à de nombreux dispositifs même si ceux-ci sont souvent complexes, lourds sur le plan administratif et marqués par des inégalités relevant de l'âge des patients ou des possibilités d'accessibilité géographique des structures.


Avant 1989, un seul centre de rééducation, spécifiquement dédié aux déficients visuels adultes, existait à Marly le Roi. Mais il recevait principalement des non-voyants et très peu de malvoyants. Le concept de basse vision basé sur la recherche de la vision fonctionnelle restante et l'exploitation de son potentiel résiduel, présents en Scandinavie et au Québec depuis 1980, commence à prendre corps en France à cette époque. A l'initiative de la fondatrice de Marly le Roi, Madame le docteur Chambet et du Professeur Hamard, une dizaine de professionnels de la vision se retrouvent pour poser les bases de la démarche française dans ce domaine. 1989 voit également la naissance à Nîmes, de l'Institut Aramav, seconde structure de rééducation pour adultes déficients visuels.


Quelques années de réflexion s'avèrent nécessaires avant l'organisation, en 1995, des 1ers états généraux de la déficience visuelle, à Paris, réunissant quelques 100 professionnels (ophtalmologistes, orthoptistes, opticiens, rééducateurs). A l'issue de cette rencontre la création de l'ARIBa, (Association Représentative des Initiatives en Basse Vision : seule association francophone des professionnels de basse vision) voit le jour. Son congrès fondateur se tient à Nîmes en janvier de l'année suivante.


La rééducation orthoptique en basse vision, fondée sur la recherche des points de fixation de suppléance, est mise en pratique dès 1991 et utilisée depuis, par toutes les équipes pluridisciplinaires spécialisées. Si l'idéologie de l'éducation morale, intellectuelle et professionnelle des aveugles progresse, les structures de réadaptation sont totalement insuffisantes. 


Le droit à la rééducation, à la formation professionnelle et à l'emploi reconnu aux mutilés de guerre par la loi d'avril 1924, est étendu aux accidentés du travail la même année, puis à tous les handicapés par la loi d'obligation d'emploi du 24 novembre 1957. Il a fallu attendre la loi d'orientation du 30 juin 1975 pour que soit, enfin, rendu effective l'obligation scolaire (avec priorité à la scolarisation en milieu ordinaire). Cette disposition a été ensuite renforcée par la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des personnes handicapées. Bien que sources d'avancées substantielles ces textes se sont révélés insuffisants sur de nombreux points, ils ont donc dus être rénovés en 2002 (Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 ) et surtout  en 2005 (Loi n° 2005-102 du 11 février 2005).


 

Sources :