MALTRAITANCE
Pourquoi consacrer un chapitre à ce sujet ?
La déficience visuelle favorise la maltraitance
Ne pas prendre en compte une déficience visuelle constitue une maltraitance
Avant d’aborder ces deux points, il importe d’effectuer quelques rappels concernant la maltraitance :
Définition de la maltraitance: tout acte isolé ou répété, ou absence d’intervention appropriée, qui se produit dans toute relation de confiance et cause un préjudice ou une détresse chez une personne vulnérable.
La maltraitance peut prendre la forme d’un acte ou d’une omission : dans ce dernier cas on parle de négligence. Il peut s’agir, soit de négligence active (intentionnelle, cherchant consciemment à nuire) ; soit de négligence passive (résultant d’un manque de connaissance, d’expérience, ou de limites personnelles). La négligence passive demeure une maltraitance, au vu de ses conséquences.
On s’accorde en général à regrouper l’ensemble des comportements maltraitants dans trois classes principales :
- Violences physiques
- Violences psychiques ou morales
- Violences matérielles et financières
Dans le cadre de la déficience visuelle, la maltraitance s’inscrit le plus souvent dans le cadre de la négligence par méconnaissance des situations de handicap engendrées par l’atteinte visuelle.
La déficience visuelle favorise la maltraitance
Cette réalité est particulièrement prégnante en ce qui concerne la personne âgée.
- Déni du handicap. Celui-ci n’est pas toujours reconnu comme tel, et peut alors provoquer des réactions négatives chez l’entourage qui perçoit l’attitude de la personne déficiente visuelle comme volontairement perturbante;
- Baisse des défenses liée à la déficience visuelle. Les vols, spoliations ou autres escroqueries sont beaucoup plus faciles à réaliser avec une personne déficiente visuelle chez les commerçants, les démarcheurs, les artisans, les aidants, voire les proches…
- Dépendance fonctionnelle liée à la déficience visuelle. La personne déficiente visuelle peut avoir besoin d’autrui pour fonctionner au quotidien, notamment pour la lecture du courrier par exemple, ce qui peut favoriser abus ou négligences de la part des aidants;
- Dévalorisation de l’image de la personne déficiente visuelle, souvent associée à une apparente négligence de la personne dans sa tenue;
- Mauvaise interprétation des changements de comportement de la personne notamment chez la personne âgée. Ces changements sont trop souvent imputés au vieillissement psychologique, alors même que ce sont les handicaps sensoriels (visuels mais aussi auditifs) qui sont la cause de la solitude, de la dépression, du désintérêt, du renoncement : on se trompe de cible;
- Méconnaissance des risques associés à la déficience visuelle. En particulier le facteur multiplicateur de risques que constituent les fragilités du grand âge est très peu appréhendé.
Ne pas prendre en compte une déficience visuelle constitue une maltraitance
Ne pas identifier une déficience visuelle représente une grave négligence, car cette méconnaissance peut, d’une part, être responsable de violence morale pour la personne, d’autre part, majorer les situations de handicap rencontrées par cette personne, notamment dans les domaines suivants :
- L’altération de la communication. Au delà de sa fonction sensorielle, la vue est le premier mode de relation entre une personne et le monde extérieur. La vue permet de comprendre l’expression d’un visage, d’aller spontanément saluer un ami. La vision établit le lien entre le monde environnant et la perception de nos sens. Ainsi, c’est toute la sphère de la communication qui est modifiée par l’apparition de la déficience visuelle. C’est la relation aux autres dans toutes les circonstances de la vie qu’il faut négocier sans cesse, d’où l’importance de cette prise de conscience de l’entourage. La personne déficiente visuelle aura du mal à interpréter les informations reçues et pourra être amenée à tenir des propos ou poser des actes inadaptés à l’environnement ou la situation, avec les conséquences qui en découlent;
- Les difficultés cognitives. Une altération importante de la vision peut affecter de manière certaine la pratique d’activités cognitivement stimulantes, la vision nous apportant plus de 80% de nos informations.
- La perte de plaisir. Il ne faut pas oublier que c’est grâce à nos sens que nous prenons du plaisir à vivre, qu’il s’agisse de voir un paysage, d’observer des enfants qui jouent, de lire sur un visage un sourire ou un regard chaleureux … nous pouvons ainsi jouir directement de nos sens, mais ils nous sont également indispensables pour réaliser des activités qui donnent du sens, du plaisir ou de la gratification : jouer, bricoler, jardiner, piloter, tenir son intérieur, écrire… la perte visuelle en raréfiant les sources de plaisir, sape l’envie de vivre.
Altération de la communication, difficultés cognitives et perte de plaisir sont source de repli sur soi, voire dépression et désocialisation, conséquences graves d’une atteinte visuelle.
- La mauvaise perception des dangers. Bien entendu, la perception des dangers est moindre en cas de déficience visuelle (ex. : ne pas voir par terre l’objet qui va faire trébucher ou glisser), ce qui majore très fortement les risques d’accidents corporels, dont on connait l’impact péjoratif chez le sujet âgé. Dans les risques corporels, on doit également considérer les erreurs de prise de médicaments;
- Le sentiment d’insécurité. La prise de conscience de son atteinte visuelle va pouvoir générer chez la personne la crainte de ne pas pouvoir maîtriser son environnement, en particulier en cas de danger, ce qui peut entraîner :
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- De l'anxiété;
- Une dégradation de l'estime de soi;
- Un repli sur soi, voire un délire de persécution chez le sujet psychologiquement fragile.
- L’aggravation de la dépendance fonctionnelle. Outre qu’elle augmente les risques de maltraitance, elle est en général très mal vécue par la personne qui voit des tiers s’immiscer dans sa vie personnelle, voire intime.
Source : Déficience visuelle et maltraitance chez les personnes âgées : M.Roland COVELET Actes du 8ème congrès ARIBa